- Les disques Bettini [Page 1/2]
| Dans le livret d'accompagnement des cylindres enregistrés par le Pape Léon XIII édité en mars 1903, Gianni Bettini mentionnait son intention de produire des disques pour machines de type gramophone. Il franchit un premier pas sur cette voie en déposant un brevet intitulé Perfectionnements aux machines parlantes (n° 334.439 du 6 août 1903), traitant d'un appareil à disques. Ce phonographe, plutôt classique dans sa structure, comporte plusieurs perfectionnements, le plus remarquable étant un reproducteur dont on peut contrôler la tension du diaphragme. | | | Deux ans après sa création en 1901, la Société des Micro-Phonographes Bettini doit faire appel à des investisseurs pour se développer, ce qui conduit l'assemblée générale des actionnaires à voter une augmentation de capital à effet du 1° février 1904. L'année précédente, le 12 mai 1903, la société, désormais administrée par des banquiers, a changé de dénomination pour devenir la Société des Phonographes Bettini. Directeur de la nouvelle société, le lieutenant a perdu de son influence, son rôle se limitant à la technique phonographique. Sur les actions libérées le 1° février 1904, sa signature ne figure plus au titre d'administrateur. Face au succès croissant du disque et des gramophones, Gianni Bettini va réorienter la production de la société. Sur les dernières actions, un détail préfigure cette importante évolution : un phonographe à disques est venu se substituer à l'Aiglon, le luxueux phonographe à cylindres qui ornait les anciens titres. | | | Au mois de novembre 1902, Gianni Bettini se rapproche de la société britannique Nicole frères Ltd qui expérimente la fabrication de ses propres disques en exploitant un récent brevet de Carl Krieger. Un contrat est signé, le lieutenant s'implique alors dans la mise au point du processus de production, mais suite à des désaccords, il met fin à sa collaboration peu avant la mise en vente des premiers disques Nicole, en août 1903. Déterminé à abandonner le cylindre dont il aperçoit le déclin au profit du disque, Gianni Bettini poursuit ses recherches sur cette voie et c'est finalement la Crystalate Manufacturing Co. de Tonbridge dans le Kent qui procédera au pressage des premiers disques portant son nom. Cette série sera commercialisée fin févier 1904; on peut lire dans la presse que les commandes affluent (*), le cours des actions progresse fortement, tout laisse présager un grand succès des disques Bettini. (*) Selon Le Journal des chemins de fer du 5 mars 1904, ''L’action Bettini est poussée par une série de demandes à 165, on voit le cours de 200 basé sur les ventes de plus en plus nombreuses de disques et d’appareils Bettini tant pour la France que pour l’’étranger''. | | | On reconnait les premiers disques de février 1904 à leur étiquette lithographiée rose, portant la mention Sté des Phonographes Bettini Paris et ornée d'une musicienne drapée dans une large robe, soulevant sa harpe. Y figurent aussi les mentions manuscrites du titre et de l'interprète. Ces disques monoface à gravure latérale ont été produits en deux formats, l'un de 17 cm de diamètre, le second de 24 cm environ, ils sont naturellement en crystalate. On peut observer la signature de Gianni Bettini et un numéro de matrice, gravés dans la matière, et un second numéro, celui du catalogue, estampé à chaud. Au verso, la mention Made in England confirme l'origine de la fabrication. Les premières secondes de l'enregistrement annoncent le titre et son interprète. | | | Parallèlement à la commercialisation des premiers disques, le catalogue des disques Bettini daté Année 1904 est édité, vraisemblablement fin février. Sa couverture en couleurs, identique à celle des précédents, mentionne, en surimpression : Machines parlantes à disques et à rouleaux puis Disques et Rouleaux enregistrés. On dénombre près de 500 titres; sur chaque page, la distinction est faite entre grands et petits disques (c'est à dire 24 ou 17 cm de diamètre). La note d'introduction précise que le catalogue ne comprend que les disques enregistrés en janvier et février et qu'il est prévu d'autres éditions au fur et à mesure des enregistrements. A la fin du catalogue, Gianni Bettini a reproduit le livret accompagnant les phonogrammes du Pape Léon XIII. On peut voir là le signe de son attachement profond à ces cylindres, qu'il transcrira plus tard sur disques. | | | En début d'année 1904, dans le prolongement de son brevet relatif aux appareils à disques, la Société des phonographes Bettini a fait construire, vraisemblablement par Louis Lamazière, plusieurs modèles dotés des perfectionnements conçus par le lieutenant; ils sont identifiés par un numéro : 13, 14, 16, 18, 20 et 22, qui ne correspond pas à l'ordre chronologique. Gravée dans le bois, la signature dorée caractéristique de l'inventeur s'affiche sur leur face avant. Avec leur pavillon reposant sur une tringle en métal, les premiers modèles s'apparentent à un Zonophone, les modèles postérieurs bénéficient d'un bras acoustique. Tous se caractérisent par la qualité des matériaux utilisés dans leur construction, à l'image des luxueux n° 20 et du n° 22, dont l'ébénisterie rappelle celle de l'Aiglon à cylindres. On voit ici un très rare Bettini n° 20 à tringle (une version ultérieure sera équipée d’un bras acoustique), pourvu du reproducteur à ressorts de tension (Collection PHONO Museum Paris - Jalal Aro). | | Pages | | 1 | 2 | | A voir aussi | - Réminiscence de sa livraison de disques, la Crystalate Manufacturing Company figure dans la liste des fournisseurs de la Société des Phonographes Bettini, au passif de son bilan établi dans le cadre de sa faillite en Octobre 1904. La créance de la société britannique s'établit à 7 285 Francs.
| | - Le Journal des chemins de fer du 5 mars 1904 précédemment cité mentionne la vente de disques et d'appareils Bettini, mais ces derniers ne figurent pas dans le catalogue des disques. On remarque toutefois que ce catalogue comporte deux énigmatiques pages blanches; auraient-elles été prévues pour annoncer les appareils à disques qui, finalement, n'ont pas été livrés à temps pour y figurer ? Dans ce cas, la chronologie serait la suivante : le catalogue et les disques à étiquette rose auraient été disponibles à fin février et les appareils, début mars 1904.
| | - Comme le confirme la revue anglaise The Talking Machine News and Cinematograph Chronicle dans sa parution de Juillet 1904, à cette date, M. Bettini se consacre désormais à l'enregistrement sur disques et il a l'intention de proposer, pour un prix de 200 à 300 Francs, un phonographe à disques fonctionnant soit sur batterie, soit sur le réseau électrique domestique. Un appareil plus important reproduira, sans interruption, des morceaux de n'importe quelle durée et même un opéra entier.
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