Phonorama, le site dédié aux phonographes à cylindres

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Un drôle de poisson

 


Dès 1892, Gianni Bettini doit satisfaire la demande d'enregistrements des grandes voix dont le succès va croissant. Il imagine une machine permettant de dupliquer les cylindres qui fera l'objet du brevet déposé à New York le 14 mars 1892 (n° 488381).
Cette machine, la doubleuse,  sera perfectionnée et  proposée jusqu'en 1903 aux professionnels de l'industrie phonographique qui en feront un usage intensif pour produire des milliers de cylindres à moindre coût.
Page extraite du catalogue Bettini n° 10 Machines et accessoires (Août 1901).



 

Par cette lettre à entête de l'Edisonia de Milan (vers 1900), G. Snider propose cinq machines à dupliquer les cylindres perfectionnées à l'Ingénieur Contaldi, un important commerçant de Naples.
Malgré une facture totale de  2.500 Lires, la rentabilité de l'investissement relativement lourd était assurée par une production aisée et rapide de centaines de cylindres à partir d'un enregistrement directement gravé sur la cire.

 

De 1900 à 1903, Pathé utilise un dispositif à base de pantographe imaginé par Luis Casarès, un inventeur espagnol qui s'installera à Chatou pour produire des copies de cylindres enregistrés en grandes séries. Naturellement, les schémas ou photographies de ce dispositif faisaient l'objet d'un secret bien gardé. On peut l'imaginer proche des pantographes dont le principe est décrit plus tard par le professeur Théodore Rosset dans son ouvrage Recherches expérimentales pour l'inscription de la voix parlée (Paris, Librairie Armand Colin, 1911).
D'après Georges Roussillon, le procédé souffrait de sa lenteur, un report durait près de 20 minutes, la vitesse de rotation étant réduite de 1/8 pour assurer un report des fréquences élevées. Par ailleurs, l'usure du cylindre primaire qui ne supportait pas plus de 30 passages, nécessitait de multiplier le nombre des ces primaires à l'enregistrement.



Ce curieux instrument en aluminium, dénommé le poisson, doit son nom à sa forme oblongue. Ce nom lui fût donné par les employés de Pathé chargés de l'enregistrement. Selon toute vraisemblance, il s'agit d'un élément de la machine Casarès, perfectionnée plus tard par les ingénieurs de Pathé.
Le poisson
constitue la pièce principale du dispositif basé sur un pantographe utilisé par Pathé pour copier l'enregistrement original, un cylindre Céleste ou Paradis constituant le cylindre maître (master). Ce  dernier était transcrit à l'aide du poisson sur un autre cylindre ou sur disque en cire (le master de production), utilisés par la suite dans le processus de duplication. Cette technique pratiquée dans le plus grand secret permettra à Pathé de s'assurer l'exclusivité de ce procédé jusqu'au début de l'enregistrement électrique.
 

 
 


A la tête du poisson, un saphir reproducteur lit le cylindre maître, tandis qu'à sa queue, un burin graveur s'appuie sur un cylindre vierge ou sur un disque pour graver le sillon. Traversé par un axe perpendiculaire à son plan, ses deux extrémités oscillent, de sorte que les mouvements perçus par le saphir sont exactement communiqués au burin graveur.
 

 
 


La reproduction des cylindres par la machine de Casarès s'arrête avec le moulage adopté par Pathé à partir de 1903. Toutefois, les enregistrements des originaux s'effectuent toujours sur des cylindres en cire.
En 1905, Pathé annonce son projet ''de reporter sur des matrices plates pour disques, les enregistrements ''improvisés'' sur matrices cylindriques'' (Phono-Gazette du 1° juillet 1905).
Avec le lancement des disques à gravure verticale en 1906, la technique du poisson est utilisée pour transférer sur disque les originaux gravés sur cylindre.
Dans ce brevet délivré le 6 Décembre 1909, la Compagnie Générale de Phonographes, Cinématographes et Appareils de Précision donne le schéma de principe du dispositif de gravure d'un disque à partir d'un cylindre primaire.
 

 

 

La Compagnie Générale de Phonographes, Cinématographes et Appareils de Précision dépose en Grande-Bretagne le brevet n° 26.615 daté du 15 Novembre 1909, intitulé Improvements in Machines for Transcribing Phonographic Recordings on Discs or on Cylindres on to Discs or Cylinders. Les schémas joints à ce brevet montrent les plans de la machine de transcription phonographique. Sur le premier dessin le poisson a été colorié ultérieurement en rouge.

 
 


Le plan du système de transcription gravure verticale cylindre - disque daté de 1924, publié par Walter Ruhlmann lors du centenaire de l'invention du phonographe révèle la forme du poisson. Cet ingénieur fit toute sa carrière de chez Pathé Frères, principalement dans le secteur de l'enregistrement sonore (1922-1977 / 55 ans de l'histoire du disque, La Nouvelle revue du son, n° 286, Avril 1977).
 

 

Pathé enregistrait ses originaux sur des cylindres en cire Stentor ou Céleste et à partir de 1913, sur des cylindres Paradis. Ce dernier cylindre sera utilisé comme support des enregistrements originaux destinés à être transférés sur les matrices des disques. Ils furent employés jusqu'en 1929, date de l'abandon de la gravure verticale des disques au profit des disques à aiguille.
On voit ici dans l'usine de Chatou, les employées procédant au traitement des cylindres Paradis : le calibrage pour enlever l'excédent de cire, le dégrossissage pour l'égalisation de la surface et le polissage amenant au degré de finesse voulu. Enfin, un contrôle permettait de n'admettre à la gravure que seuls les cylindres ne présentant aucun défaut (De la machine parlante au Pathéphone, vers 1913).