Phonorama, le site dédié aux phonographes à cylindres

Phonorama, le site dédié aux phonographes à cylindres
Phonographes à feuille d’étain [Page 3/4]


Après la faillite d'Urbain Fondain en avril 1881, Eugène Ducretet, constructeur d'appareils scientifiques de renom, va poursuivre la fabrication des phonographes dont son confrère s'était fait la spécialité. Ses appareils à feuille d'étain vont naturellement s'apparenter aux phonographes construits par son prédécesseur depuis 1878.
Ce modèle fût proposé par Ducretet durant près de vingt ans avec peu de variations au fil du temps. La marque E. Ducretet et Cie à Paris, poinçonnée dans un ovale sur la partie supérieure du cornet et rappelée en relief sous la base, permet de situer sa construction durant la période 1883-1888.
Sa couleur bronze, caractéristique des phonographes du constructeur, tire son origine du minium, un composant à base d'oxyde de plomb, présent dans la peinture utilisée pour protéger les appareils scientifiques contre la corrosion.


Ce second phonographe Ducretet ne diffère du précédent que par son lourd volant d'inertie et par la marque légèrement différente, E. Ducretet  à Paris, frappée dans un ovale sur la partie inférieure du cornet et figurant également sous la base. Utilisée par Ducretet entre 1888 et 1892, cette marque indique que ce tinfoil à volant été construit postérieurement au modèle précédent.
L'atelier Ducretet a construit plusieurs séries de phonographes à feuille d'étain jusqu'en 1900, principalement pour les cabinets de physique ou les Ecoles supérieures. Après 1893, ils portaient la marque Ducretet & Lejeune à Paris.
La datation des phonographes Ducretet à feuille d'étain est abordée dans l'encadré ci-après ''A voir aussi''.


En 1879, le professeur D. Vital donne des conférences suivies de démonstrations durant lesquelles il fait la promotion de ce phonographe-jouet en bois pourvu d'un mandrin en plâtre de couleur sang de bœuf. Sur la base figure la mention Breveté S.G.D.G. indiquant qu'il a fait l'objet d'un dépôt de brevet.
La construction de ce petit phonographe avec des matériaux bon marché lui permet de le proposer au prix de 10 Francs et de concurrencer ainsi les modèle en métal coûtant dix fois plus cher.
Dans un livret intitulé Guide du phonographiste qu'il publie la même année, le professeur propose aussi deux autres phonographes à feuille d'étain, dont un géant, en cours de construction, doté d'un mandrin de 65 cm de diamètre et de 50 cm de longueur.



Malgré l'absence de marque sur ce tinfoil, plusieurs éléments similaires à ceux du phonographe-jouet précédent suggèrent une attribution au Professeur D. Vital. On remarque notamment que le cornet, le diaphragme et la manivelle, sont pratiquement identiques sur les deux modèles.
Afin de ramener le diaphragme au-dessus de la feuille d'étain, son support en fonte se déplace sur une glissière en laiton. Deux vis moletées, permettent de verrouiller la position optimale de la pointe.
Le tinfoil repose sur une tablette en hêtre (25 X 30 cm), le mandrin en laiton mesure 125 mm de diamètre ne comporte que 21 spires pour une largeur utile de 51 mm, soit une densité de 10 TPI.

Photos du phonographe de côté et de face

 

Au premier abord, l'apparence de ce phonographe à feuille d'étain laisse supposer une parenté avec les constructions d'Urbain Marie Fondain. Toutefois, la comparaison des éléments caractéristiques des deux fabrications révèle des différences trop importantes pour retenir cette hypothèse.
Son originalité tient principalement à son volant régulateur, à sa riche décoration, à ses montants en forme de cœur supportant le mandrin et à son contrepoids en plomb fixé sur le sommet du cornet.

      

Le contrepoids, inhabituel sur un tinfoil, permet d'obtenir une meilleure empreinte sur la feuille d'étain en accentuant la pression de la pointe. Cette pièce est aussi présente sur d'autres appareils d'acoustique expérimentale, tel l'Automatic phonograph d'Auguste Stroh, utilisant les techniques du phonographe pour imiter les voyelles de la parole humaine.

      

D'origine italienne, ce tinfoil  se caractérise par son long mandrin de 18 cm et sa base découpée dont le décor se retrouve sur les rayons du volant.
Il s'agit vraisemblablement d'une construction tardive, destinée à un cabinet de physique ou une école, réalisée par l'Officine Galileo à Firenze (Florence), dans la dernière décade du 19ème siècle. Ses ateliers, initialement installés dans les bâtiments de l'Istituto Tecnico Toscano, construisaient depuis 1864 des instruments pour l'enseignement et les laboratoires, avant d'orienter sa production vers le domaine militaire en 1896.
Le cabinet de physique du Museo Galileo de Florence (Istituto e Museo di Storia della Scienza) possède un phonographe similaire, de plus grandes dimensions (Voir ci-contre).



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A voir aussi

  • Les phonographes Ducretet à feuille d'étain 

Le premier phonographe créé dans l' atelier d'Eugène Ducretet en 1879, n’était pas un appareil à feuille d'étain semblable à celui que l'on pouvait découvrir dans les salles parisiennes depuis près d'un an. Il s’agissait d’une commande de Louis Saint-Loup (1831-1913), professeur de mathématiques appliquées à la Faculté des Sciences de Besançon. Le mathématicien projetait de construire un nouveau modèle à feuille d'étain ou de cuivre disposée à plat. Rappelons que le premier appareil basé sur ce principe fût créé par Thomas Edison (Voir au bas de cette page). Dans ce nouveau phonographe,  le   stylet   du   reproducteur  suivait  un

sillon hélicoïdal déjà inscrit dans le métal. En toute logique, la vitesse linéaire relative de la pointe sur le plateau devait rester constante, ce qui constituait une réelle difficulté technique.
Le phonographe de Saint-Loup construit par Ducretet, vendu 300 Francs, a fait l'objet d'une présentation à la Société française de physique le 18 juillet 1879. D'après cet article paru l'année suivante, "il n'a jamais parlé", avant que le constructeur Urbain Fondain ne parvienne à le faire fonctionner. A ce jour, il ne subsiste malheureusement aucune trace de cet appareil, qui fût le premier phonographe à plateau construit en France.
Après cette expérience, Eugène Ducretet va se porter acquéreur de l'atelier d'Urbain Fondain, suite à la faillite de ce dernier prononcée le 26 avril 1881. Il revendra d'abord les phonographes de Fondain avant d'introduire sa propre production dans la gamme de ses appareils scientifiques. Eugène Ducretet ne prêtera guère attention au phonographe, considéré comme un instrument à vocation historique ou didactique pour les cabinets de physique ou l'enseignement. Dès lors, il n'apportera que de minimes perfectionnements aux tinfoils de Fondain.
La société Ducretet était établie dans le 5 ème arrondissement de Paris, au 75 Rue Claude Bernard. Cette carte postale (vers 1900), nous montre des employés procédant à l'expédition de caisses d'instruments scientifiques devant le magasin et l'entrée des ateliers.

 
  • La datation des phonographes de Ducretet

    Faute de documents, il est difficile de dater avec précision la construction des phonographes de Ducretet (nous ne connaissons que deux catalogues parus entre 1880 et 1900). Il est de plus déroutant de constater que dans le catalogue de 1893 (L. Ducretet et L. Lejeune), tout comme dans celui de revendeurs de ses instruments scientifiques, la présentation des phonographes est toujours illustrée par une gravure représentant un tinfoil de Fondain.
    La construction des phonographes Ducretet a débuté après 1881 (date de la création de la société E. Ducretet et Cie), et vraisemblablement vers 1883, lorsque la société a fini d'écouler le stock de Fondain. Comme observé précédemment, les marques frappées sur ses appareils ont varié au fil des ans, selon les changements intervenus dans sa société : E. Ducretet et Cie puis E. Ducretet et enfin Ducretet & Lejeune se sont succédées entre 1881 et 1896.
    L'historique de la société Ducretet permet de nous éclairer sur ce sujet.

  • Comment différencier les phonographes de Fondain de ceux de Ducretet ?

    Seuls quelques détails de forme permettent de les distinguer. On reconnait d'emblée les derniers grâce aux trois écrous moletés en laiton serrant le diaphragme sur le reproducteur, alors qu'il s'agit d'écrous ordinaires sur les premiers. On remarque par ailleurs que les montants supportant l'axe du cylindre sont droits sur un Ducretet et de forme plus décorative sur un Fondain.
    Ducretet a construit des tinfoils de couleur bronze uniforme, ceux de Fondain étant généralement noirs, ornés de fleurs et de filets dorés. il convient de noter l'existence de quelques tinfoils Fondain de couleur bronze. Il est permis de supposer qu'il s'agit des derniers exemplaires du stock acquis par Ducretet et peints par ce dernier conformément à la couleur caractéristique de ses appareils scientifiques. Un perfectionnement les singularise : une pièce en arc de cercle fixée sur le support de la tête a pour objet de limiter son basculement vers l'avant; elle n'existait pas sur les tinfoils de couleur noire. Ducretet a adopté un dispositif analogue mais de forme différente sur ses propres phonographes.

  • Le livret de D. Vital : Le phonographe - Machine enregistrant et reproduisant la parole -  Guide du phonographiste publié en 1879.
  • Si le professeur Vital est bien le constructeur du phonographe proposé lors de ses conférences, il n'en est toutefois pas l'inventeur. Son invention revient au fabriquant de jouets Mathieu-Alphonse Coyen qui a déposé le brevet correspondant n° 132.518 du 29 août 1879,  intitulé ''genre de phonographe-jouet''.
  • Les gravures représentant le phonographe-jouet  décrit par D. Vital dans son livret.
 
 
 
  • Peut-on imaginer un quelconque rapport entre Vincent Van Gogh et le tinfoil de Thomas Edison ?